Parcours d’une guérison autodidacte

La première fois que j’ai franchi les portes d’un cabinet, je pensais que ce serait l’histoire de quelques semaines.

J’imaginais qu’on allait m’administrer une solution pour apaiser ce mal qui me rongeait depuis des années.

Hélas, l’image négative que j’avais des psychologues s’est confirmée.

Une fois enfoncé dans ce canapé difforme au confort discutable, les mots de la thérapeute n’ont pas été une question, mais un jugement.

Elle m’a invité à me présenter et clarifier mes attentes.

Il n’est pas évident de se dévoiler devant une inconnue.

Particulièrement lorsque l’hyper-contrôle régit ma vie depuis trente ans.

Malgré tout, j’ai surmonté mes blocages pour parvenir à me confier en toute sincérité…
Un concept qui, dans mon esprit, a toujours été associé à de la vulnérabilité.

En concluant la séance, elle a prononcé : « J’ai l’impression que vous ne vous connaissez pas ».

Nombreux sont ceux qui espèrent que le psy parviendra à leur offrir les solutions à leurs problèmes.

Or, cette croyance est erronée.

Consulter un psychologue s’apparente à visiter un médecin généraliste…
On peut y aller pour les petits bobos du quotidien, mais pas pour les blessures qui touchent le plus profond de notre âme.

Certains thérapeutes peuvent faire plus de mal que de bien, voire retarder la guérison.

Si une douleur persiste au genou, on ne se limite pas à l’avis du généraliste, mais on consulte un orthopédiste et un kinésithérapeute spécialisé dans les articulations.

À aucun moment, ma psychologue n’est parvenue à me donner les clés dont j’avais besoin.

Je me suis alors dirigé vers des médecins spécialistes, des ouvrages spécifiques, des études scientifiques et des groupes de parole.

Je me souviens d’un exercice qu’elle m’avait donné : participer à une soirée où je ne connaissais personne afin d’aborder le plus de gens possible.

Elle espérait ainsi briser la carapace que j’avais érigée autour de moi, soupçonnant une timidité extrême qu’il fallait combattre.

Mais ce qu’elle n’avait pas saisi, c’est que ma vie n’a été qu’une succession d’armures, de masques enfilés, et de stratégies d’adaptation utilisées selon l’interlocuteur.

Ma fragilité demeurait cachée sous l’épaisse couche d’une personnalité tantôt réservée face à elle, tantôt supérieure face à d’autres.

Depuis ma plus tendre enfance, je reste silencieux, mais j’observe attentivement.

La majorité de mes bulletins scolaires comportait la mention : « élève sérieux mais discret ».

Je me rappelle ces années passées à scruter les autres.

À la récréation, j’étudiais chaque réaction, ou la moindre interaction de mes camarades.

Je prenais plaisir à identifier les personnalités vulnérables et les tempéraments dominants, pour ajuster mon discours et ma posture face à eux.

J’ai toujours eu cette faculté, en un instant, par un simple regard, une poignée de main, une intonation vocale, à déceler la véritable nature de la personne qui me faisait face.

Ma psychologue avait affirmé que je craignais les conflits.

Bien au contraire, je m’emploie à les provoquer…
Car c’est précisément dans ces moments que la plupart des individus perdent leur lucidité, et que je peux me retrancher dans ma grotte afin de les étudier.

Ma vie s’est longtemps résumée à observer le monde, et à tout faire pour que personne ne puisse jamais pénétrer le mien.

Finalement, j’ai choisi de quitter définitivement le cabinet, déterminé à trouver les réponses par moi-même.

Pourquoi éprouvais-je ce besoin impérieux de maîtriser mon discours, de fusionner avec l’autre ou au contraire, de le tenir à distance ?
Pourquoi ressentais-je depuis petit, cette colère si profonde ?
Les réponses ne viennent pas forcément de là où on les attend.

Dans un monde où l’on nous pousse à externaliser nos problèmes et à trouver des solutions clés en main, il y a une puissance à réaliser que certaines solutions proviennent de l’intérieur.

C’est lorsque nous cessons cette quête frénétique, que nous commençons à entendre cette petite voix qui murmure en nous depuis l’origine.

Souvent, nous connaissons déjà une partie de l’énigme.

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Mais celle-ci ne peut s’entendre que dans le silence absolu.

Ce voyage introspectif ne se fait pas en quelques séances sur un canapé, mais toute une vie.

La véritable transformation n’est pas entre les mains du thérapeute, mais dans notre aptitude à nous approprier le récit, à l’examiner avec recul, et à déterminer consciemment qui nous voulons devenir.

Personne d’autre que moi ne peut vivre ma vie, ressentir mes émotions, ou donner un sens à mon existence.

C’est notre capacité à rester debout face à l’adversité, non pas parce que nous ne trébuchons jamais, mais parce que nous avons appris à nous relever.

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